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Voyager on n’en revient jamais. Je vous écris pour prolonger l’instant, en garder une trace, tordre le cou à la fugacité.

Il y a deux ans de cela, alors que j’entamais mon 9ième mois consécutif en terre ladakhi, une opportunité inattendue se présenta : un de mes élèves, Tenzin Motup Tahang, m’invitait à l’accompagner au Zanskar, où son frère se mariait. C’est avec joie que j’acceptai, enchanté à l’idée de découvrir cette vallée mythique et ses coutumes encore intactes.

Nous partîmes tôt le matin depuis Leh en direction de Lamayuru. Un « Rinpoché » y était attendu pour un enseignement bouddhique, et c’est par dizaines que les voitures affluaient sur la route tortueuse. Le cortège était magnifique et coloré, à l’image de ces « perak » que les femmes arboraient, et ce spectacle lançait notre voyage de la meilleure des façons. La route fut plus monotone passé Lamayuru, si l’on exclut la beauté des paysages ; les montagnes nues et rocailleuses laissaient place à des vallées plus vertes, parsemées de villages semblables à des oasis. Après dix heures de route, nous fîmes halte à Kargil, qui marque la frontière avec le district de Leh. C’est là que je rencontrai pour la première fois le père adoptif de Motup, Olivier Föllmi.

olivier follmiOlivier Föllmi est un photographe de renommée internationale. Il s’est distingué par de nombreux clichés en Himalaya et s’est notamment fait connaître du grand public grâce au projet « Sagesses de l’Humanité » qu’il a réalisé avec son épouse Danielle Pons-Föllmi, auteur de la recherche des paroles de sages mises en lumière dans ces ouvrages. Cette collection de photos et de citations a été traduite en 7 langues et vendue à plus de 1,5 millions d’exemplaires.

Le lendemain, départ à l’aube pour une nouvelle longue journée de jeep, à travers les montagnes himalayennes. A mesure que nous approchions de la grande vallée du Zanskar, les paysages devenaient grandioses. Entre plateaux gargantuesques et cols enneigés, nous avons pu observer la faune locale, composée de marmottes et chevaux sauvages. Les points de contrôle d’identité, très nombreux, nous permettaient de souffler et de faire quelques clichés. Enfin, vers le milieu de l’après-midi, nous touchions au but : la grande vallée du Zanskar s’étalait devant nos yeux, immense, regorgeant de villages et de champs. Entourée de la grande chaîne du Zanskar, dont les cols culminent à près de 7000m, nous pouvions apercevoir au loin Padum, la capitale.

Nous étions logés à Tahang, la maison familiale de Motup, à 2 heures de marche du monastère de Karsha. Les préparatifs pour le mariage allaient bon train lorsque, le lendemain de notre arrivée, la neige s’invita, preuve s’il en fallait que cette région n’est pas de tout repos. Bravant les intempéries, les femmes du village confectionnaient déjà les « 1000 pains » destinés aux invités, une tradition zanskari. J’aidai à la tâche jusqu’à la mi-journée, récompensé par des sourires, plaisanteries et chang (bière d’orge locale).

Le mariage dura trois jours, mettant en scène des cérémonies d’une grande beauté. La moitié de la vallée avait été conviée, et l’autre moitié était venue tout de même. Les « Nyopa », de grands gaillards déguisés, performaient danses et chants traditionnels avant de partir chercher la mariée de l’autre côté de la vallée. Dans la tradition zanskari, la mariée doit repousser les avances des Nyopa pendant plusieurs jours, avant de céder et d’accepter de rencontrer son futur époux ; jadis, les Nyopa se déplaçaient à cheval et « enlevaient » la mariée. Puis ce fut la remise de « kathak », les écharpes blanches utilisées pour honorer autrui. A la fin de la cérémonie, vers 4 heures du matin, on ne pouvait plus distinguer la mariée, toute recouverte d’écharpes qu’elle était. Lors du dernier jour les kathak pleuvaient toujours, avec cette fois des dons pour les mariés et leurs parents. Les danses reprirent, rythmées par les tambours du Zanskar*…

*« Zanskar » signifie « vallée du cuivre » et les tambours sont une fierté et tradition locale.

Les célébrations prirent fin, et il était temps de prendre congé de nos hôtes. Toutefois, Olivier m’avait convié à une excursion de l’autre côté de la vallée, jusqu’au monastère de Phuktal, offre que je ne pouvais décliner. L’aventure au Zanskar n’était pas terminée…

La piste commençait à 2 heures de jeep de Padum. Après quelques heures de marche, un pont façon « Tintin au Tibet » nous faisait face : une montée d’adrénaline pour certains et un joli souvenir pour tous. Olivier connaissait parfaitement la vallée, pour y avoir vécu près d’un an, nous étions donc logés chez un de ses amis, dans un village accidenté à 4000m d’altitude ; maison rudimentaire, confort minimum, mais le sentiment de vivre des instants inestimables, perdus au fin fond de l’Himalaya.

Après une nuit à la belle étoile sur le toit de notre hôte, nous reprîmes la route. A notre caravane s’ajoutait désormais TashiTundup, le moine en charge du monastère de Phuktal, et ami de longue date d’Olivier. C’était un lama sorti tout droit d’une bande dessinée : sage et solennel, son visage était marqué par une vie rugueuse, mais son sourire était bienveillant. Sa tunique de moine était rembourréede laine (notamment le chapeau) et il ne transportait avec lui qu’une cuillère et un livre de prière.

Les paysages, toujours aussi renversants de gigantisme, se succédaient, tantôt vallée encaissée, tantôt chemin à flanc de montagne (gare au vertige). Deux jours de marche plus tard, nous arrivâmes au petit village de …. , à la croisée des chemins. Phuktal était tout proche désormais.

Phuktal au Zanskar

Une ultime gorge, un petit pont… Et enfin, la récompense : Phuktal. Le monastère était comme encastré dans la montagne, ne faisant plus qu’un avec la roche. Une grotte naturelle le surplombait, et non des moindres : elle abritait jadis un moine tibétain qui y médita de nombreuses années. Elle est strictement interdite aux visiteurs. A mesure que nous approchions, l’architecture devenait plus nette : le monastère était une place fortifiée, avec de nombreuses habitations. Les murs de pierre étaient indubitablement très anciens.

TashiTundup nous invita dans sa chambre pour la traditionnelle tasse de thé au beurre – rude épreuve pour les néophytes. Après quoi, nous visitâmes le reste du monastère, dont la chambre de prière. Une « puja** » y eut lieu ; les psaumes des moines envahirent la pièce, et petit à petit, une forme de quiétude m’envahît.Le Ladakh a ses raisons que la raison ignore !

Nous fûmes invités à passer une nuit à l’auberge réservée aux visiteurs. Le lendemain, avant notre départ, les moines vinrent à notre rencontre avec des cadeaux : paire de chaussette en laine, kathak… C’est à ce jour la plus belle marque de gentillesse et d’amitié dont j’ai été témoin. Le Ladakh est beau, de part ses montagnes, sa culture ; la véritable beauté, cependant, réside dans le cœur de ses habitants, et ce voyage en fut la preuve la plus marquante.

Puis ce fut le voyage du retour. A Padum, nous trouvâmes des jeeps pour quitter le Zanskar, et retourner vers la vallée de l’Indus. Notre petit groupe se sépara à Kargil, Olivier retournant directement sur Srinagar. Des adieux, mais surtout des remerciements. Je mesure aujourd’hui toute la dimension de ces quelques semaines au Zanskar, cette chance inouie qui m’a été donnée. Les gens d’ici disent que les bonnes choses ne sont pas le fruit du hasard, mais la conséquence des actions passées ; si tel est le cas, il se peut que j’ai trouvé ma route…

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