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Voyager on n’en revient jamais. Je vous écris pour prolonger l’instant, en garder une trace, tordre le cou à la fugacité.

Ce parcours permet de découvrir le Zanskar par les chemins empruntés par les habitants pour se rendre d’un village à l’autre. Nettement plus difficile que la traditionnelle traversée  du Zanskar , il offre chaque jour des paysages grandioses et variés mais exige une bonne endurance physique. Ce n’est pas tant l’ampleur des dénivelés quotidiens qui use la résistance du marcheur, que l’escarpement et l’étroitesse des chemins, la marche dans les pierriers et sur la glace, ainsi que les nombreux passages à gué. En 10 jours de marche, nous franchissons néanmoins une dizaine de cols et parcourons une centaine de kilomètres.

Du village de Kanji 3850m au camp de base du col de Kanji La 4300m
Le village de Kanji apparaît comme une oasis de champs cultivés au milieu de hautes montagnes resserrées et arides. Pour y parvenir nous avons pris une petite route taillée à flanc de falaise. Les roches multicolores et des sommets pyramidaux m’apparaissent comme caractéristiques  du Zanskar. Le village est au carrefour de plusieurs circuits de trek, aussi les habitants ont décidé d’installer un camp fixe au bord de la rivière. Nous devenons vite l’attraction des enfants du village avant de devenir leurs partenaires dans un match de foot improvisé 

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Le matin nous partons pour notre première étape, remonter le cours du Kong Tokpo. C’est un fait, même sur le toit du monde, il faut souvent cheminer en fond de vallée si l’on veut traverser la montagne. Le parcours est tout d’abord aisé. Les couleurs des roches sont impressionnantes, l’orange et le gris dominent. La vallée est relativement large à fond plat comme si elle avait d’abord été une vallée glaciaire avant  que la rivière n’y creuse à son tour son lit. A Apoltan, à la rencontre de deux torrents, se trouvent un ensemble de bergeries d’alpage avec ânes et yaks paissant tranquillement  aux alentours. Mais seule une de ces bergeries est en activité. La pratique tend à se perdre ainsi que nous l’avons observé tout au long de notre parcours.
Puis la promenade se corse avec  la traversée de la rivière à gué à plusieurs reprises. L’eau monte au-dessus des genoux, le courant est assez fort et il est froid, a –chu-chu ! Nous sortons la corde pour plus de sûreté. Déchausser, rechausser ou marcher dans les pierres avec les sandales devient le jeu du jour. Le froid finit par monter à la tête mais on s’amuse bien et les paysages sont magnifiques.
Nous dormons en pleine montagne, bercés par le roulis de la rivière, nous sommes le seul groupe et nous le resterons sur tout le circuit à l’exception de Lingshed.

 

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Le col de Kanji La 5250m
Premier col, premier jour de marche difficile. Nous partons tôt pour une ascension qui promet d’être longue. Nous nous élevons de plus en plus au-dessus de la rivière dont la vallée se rétrécit. Le chemin est étroit, il devient de plus en plus dur  tandis que le versant est de plus en plus raide. Parfois il est de la terre et de la poussière dont sont faites les montagnes, mais bien souvent nous devons traverser des avalanches de pierres, fragments plats de roche métamorphique qui se sont délités. Le « chemin » devient alors à peine visible, étroit ruban un peu plus clair reformé par les sabots des chevaux,  que nous abordons avec précaution de peur de glisser. La marche précautionneuse forme avec la montée une importante source de dépense d’énergie. Les paysages restent beaux même si le temps se couvre et bouche en partie l’horizon. La montagne est immense, ceux qui sont restés derrière ressemblent à de petites fourmis, c’est impressionnant.

Dans ce monde minéral, des cairns sommaires nous confirment que nous sommes sur la bonne route jusqu’à ce que nous parvenions au pied du glacier. Il est gris de poussière et se dédouble en deux langues glaciaires, il est imposant. Pour parvenir au col, il faut longer puis traverser le glacier de droite. Dorjey encorde Valérie, et hardi les gars, l’ascension se poursuit.

La dernière partie est encore raide dans les pierriers, mais l’arrivée au col est récompensée par  une magnifique vue sur la chaîne de Nun Kun. Valérie et Julien attachent leurs drapeaux à prières. La descente peut commencer, mais elle est également raide dans les pierriers. L’équipée fatigue, tarde, le soleil décline à l’horizon. Le chef cavalier  inquiet vient à notre rencontre. Je rentre avec lui car sur la roche affleurante j’ai perdu le chemin, tandis que les autres décident d’attendre le cheval. Après le torrent, il faut tourner à gauche, on se retrouve alors sur un versant herbu. Il reste une heure de marche, il faut aller vite. Le chemin descend doucement vers la rivière de Kanji Nala, tandis que la nuit tombe. Nous terminons à la lumière de la lune et des étoiles. Un cheval est sellé, mais l’équipe a également avancé  à la lampe frontale et nous rejoint quelques temps après. Tout le monde est épuisé mais de bonne humeur.

Le Col de Pidzong La 5020m
En raison de la fatigue nous partons un peu plus tard, mais c’est encore une longue journée qui nous attend. L’ascension est censée être plus facile, nous retrouvons néanmoins passages à gué et chemins difficiles dans les pierriers. La vallée se resserre et les versants font place à des murailles de roche rouge, c’est beau comme un canyon. En amont, le passage à gué est difficile, cette fois les cavaliers nous ont attendus pour nous aider à traverser. La pente raide qui suit débouche sur un joli plateau fleuri, tandis que se devine au loin la vallée glaciaire. Petite pause pique nique et ça repart. Nous parvenons aux plaques de neige sous lesquelles coule le flot tumultueux du torrent. Après la « baignade », les « raquettes » ! On chausse les lunettes de soleil et on avance autant avec les yeux qu’avec les pieds, il ne s’agit pas d’aller là où la voûte de glace est trop mince pour supporter son poids… Décidément chaque journée apporte son lot de défis à relever. A l’aplomb de la dernière phase de l’ascension, le jeune cavalier, Pali, apparaît  avec un cheval sellé pour Valérie. Julien la suit avec vélocité. La pente est raide, les muscles des cuisses brûlent, mais il faut continuer. Le paysage est orange et gris sur fond de ciel bleu de très beau temps. La vue du col est magnifique, les montagnes vibrent de toutes leurs nuances de couleurs dans un air transparent, on en profite pleinement.
En dépit de la lumière déclinante, la descente reste très belle. Au bout de la descente, un torrent au milieu des saules, le Borong Tokpo, et derrière les saules une bergerie habitée ainsi qu’un plan d’herbe où le camp a été monté. Formidable oasis de fraîcheur après une journée de pierres, de glace et de poussière.

Dibling 3910m – Lingshed-Sumdo 3700m
Après deux étapes éprouvantes, la journée se présentait comme une longue descente du Borong Tokpo, puis de l’Oma Chu jusqu’au carrefour – Sumdo signifie confluence entre deux rivières – qui nous ouvre la voie vers Lingshed. De fait, les versants doux sont émaillés de bergeries plus ou moins habitées, tandis que les pentes herbues rendent possible l’élevage extensif.
Notre progression est animée par le cri des marmottes qui s’effraient modérément de notre passage. Sur la rive droite apparaît  bientôt un troupeau de yaks et de dzos qui comme nous convergent vers la rivière. Dorjey ne tarde pas à héler le berger, la voix porte dans la montagne. On s’attend à devoir traverser la rivière, mais non, de l’autre côté du gros rocher se trouve un pont local fait de deux troncs de saule et d’un entrelacs de branchages. Brrr, pourvu que ça tienne !

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Le village de Dibling a été établi au point de rencontre entre deux cours d’eau, sur un large espace en pente très douce et forme une de ces magnifiques nappes de verdure qui contraste fortement avec le désert environnant. C’est l’époque des moissons, les villageois(es) récoltent à la faucille, leur silhouette se perd dans les hautes herbes. Les maisons sont simples et traditionnelles. Pali a une tante qui y réside et qui nous invite à boire le chang et le thé. C’est l’occasion de découvrir une maison traditionnelle et de partager un moment de repos tous ensemble, Ladakhis et Occidentaux. Dorjey part chercher de la viande de yak avec Lobsang, le cuisinier, tandis que nous repartons sous la conduite de Dawa, l’aide cuisinier. La vallée se resserre et nous retrouvons les parois rocheuses qui nous avaient obligé à traverser les rivières à gué. Leur couleur orange – rouge est toujours magnifique mais le chemin redevient  escarpé et étroit jusqu’à devenir un parcours de varappe par endroit. Cela ajoute une activité de plus à notre séjour multisports !
A mesure que nous descendons, la rivière est grossie par les torrents qui s’y jettent. Elle devient plus impétueuse et plus large. Il faut utiliser la corde de 10m pour la traverser. Je sens le courant m’emporter tandis que l’eau m’arrive aux fesses. Quelques heures plus tard, la dernière traversée devient vraiment problématique. Dorjey a de l’eau au ventre et le courant est devenu très fort. Le soleil décline à l’horizon, que faire ? Par chance nous entendons les cloches des chevaux tinter, nous sommes près du camp. Dorjey décide d’aller chercher les chevaux qui sont de notre côté et les cavaliers qui sont déjà de l’autre côté. Les chevaux sont sans selle ni mors, la solution relève du système D. L’aventure continue ! Julien s’en sort très bien tout seul, moi je suis accompagnée par Pali, Valérie aussi mais la traversée a faillit mal tourner, Dorjey et Lobsang se débrouillent parfaitement et portent tous les sacs. Une fois sur la berge, tout le monde se félicite en riant des émotions et des hésitations, l’équipe ladakhie est vraiment formidable.

 

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Col de Barmi La 4700m – Lingshed 4000m
Le cinquième jour fut celui d’une longue étape. Nous quittons notre cheminement  Nord-Sud pour obliquer vers Lingshed, vers l’Est. Nous quittons la vallée le l’Oma Chu pour emprunter un étroit défilé. Dorjey reste en arrière et nous dit de remonter la rivière. Ceux qui imagineraient un plaisant sentier ombragé en seraient pour leurs frais. Le chemin est à peine marqué au milieu des saules, il est entravé de branches mortes et de broussailles, parfois il s’élève sur la berge escarpée faute de pouvoir se poursuivre à côté de l’eau. En un mot, nous faisons comme les populations locales, nous participons à dessiner le chemin. J’apporte ma pierre à l’édifice en élevant un cairn là où le doute apparaît. Mais là encore les paysages de canyon puis de vallée  ouverte sont magnifiques. Nous cheminons en balcon loin au-dessus de la rivière. Les passages sont souvent étroits, large comme une semelle de chaussure, parfois moins car le chemin est effondré. Cela permet de conserver les sens en éveil pendant tout le parcours.
L’accès au col se fait par une dernière montée, une pente particulièrement raide. Vus d’en bas, les cavaliers semblent accrochés à la montagne par un étrange sortilège, il n’y a pas de plan. On voit qu’ils peinent aux fréquents arrêts qu’ils marquent. Une fois qu’on y est à notre tour, on évite de réfléchir, on met un pied devant l’autre, on respire, et on avance. Au col, c’est à mon tour de placer mon drapeau à prière. Comme il y a beaucoup de vent, on s’amuse énormément. Au loin apparaît  le village très vert de Lingshed, à la fois proche et lointain. En réalité il faut encore franchir deux petits cols pour l’atteindre, ce n’est pas une descente directe. Mais qu’importe, il fait un temps magnifique, le plus dur est passé, nous descendons à vive allure heureux de ce moment de liberté. Nous contemplons avec une pointe de frémissement rétrospectif  la pente qui descend du col de Hanuma La : 700m de dénivelé  raide que j’ai parcouru en descendant il y a 3 ans, et Dorjey en montant l’année dernière. De col en col, il est déjà tard lorsque nous arrivons en surplomb du village de Lingshed. Il s’offre à notre regard comme une succession de terrasses vertes et jaunes selon le degré de maturité des céréales.

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L’ensemble forme un patchwork  de champs ponctués de maisons, doucement éclairé par la lumière de fin de journée. Il nous faut encore descendre en bas du village avant de remonter en face s’installer sur le terrain du camp, non loin du monastère. A l’arrivée, les troupes sont fatiguées et réclament une journée de congé dans le plus beau village du Zanskar, d’autant que le lendemain c’est le 15 août, jour de fête nationale.  Les cavaliers partagent le même avis, la motion est donc adoptée à l’unanimité.

Jour de fête à Lingshed 4000m

Le 15 août, les Indiens fêtent l’indépendance du pays, les Ladakhis aussi, mais pour eux le sens de la fête est plus large et revêt une dimension traditionnelle. Il y a 20 ans, le Dalaï Lama s’est venu à Lingshed, aussi les villageois commémorent cette  visite. En cette occasion, tous les villageois s’assemblent sur une vaste esplanade ornées de drapeaux et s’assoient sur des bâches par groupe. Ils ont revêtu les costumes traditionnels et même les enfants portent la robe ladakhie au-dessus de leur uniforme scolaire. Par groupe d’âge et de sexe, ils chantent et dansent au son des percussions et d’un genre de bombarde.

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Les femmes les plus richement dotées portent la coiffe ornée de turquoises, le perak, d’importants bijoux, et des parures de soie. C’est très beau et très impressionnant. Ils restent ainsi toute la journée sous les bannières bouddhistes mais en plein soleil, à peine protégés parfois par un parapluie.Or en ce 15 août 2016 il a fait très chaud.
A l’heure du déjeuner, le repas est collectif. Riz et légumes ont été cuisinés dans de grands chaudrons, et chacun prend sa place dans la queue avec une assiette ou un bol pour être servi. Même nous, les touristes, avons bénéficié du repas collectif. L’après-midi a été torride mais tous sont restés à leur place, chantant et dansant à tour de rôle. Lorsque vers 17h on annonce la fin des festivités, les Ladakhis ne sont pas pressés de partir et continuent de danser jusqu’à la tombée de la nuit. Longtemps la musique ladakhie de cette journée a résonné à nos oreilles.

Lingshed – Margun La 4380m – Kiupa La 4430m – Yulchung 4830m
Nous quittons Lingshed sans heurt puisque nous nous élevons progressivement au-dessus du village. Le col de Margun La est un formidable poste d’observation du village, et l’occasion d’un dernier au revoir. Photo 318bis
Le regard embrasse l’ensemble des champs étagés, admire le labeur de ces hommes et de ces femmes qui ont transformé les collines en plateaux fertiles, et suit les courbes du système d’irrigation qui, ici plus qu’ailleurs, a permis d’exploiter au mieux l’eau des glaciers pour faire verdir la montagne. Il y a trois ans, le temps était à la pluie et j’ai quitté alors Lingshed sous un arc-en-ciel. Ce lieu est magique. De l’autre côté du col, on renoue avec le désert. Ici et là, les villages de Skyumpata et de Gongma ont reproduit les méthodes de Lingshed sans bénéficier d’un site aussi favorable, ni parvenir aux mêmes réalisations. Nous nous arrêtons à « l’hôtel-restaurant » de Skyumpata, c’est l’occasion de boire un thé et de partager quelques abricots secs à l’ombre, avant d’affronter la grande montée. Le col de Kiupa La s’atteint par un chemin en zigs-zags qui monte à l’assaut d’une pente particulièrement raide sur plusieurs centaine de mètres de dénivelé. Mais aussi difficile soit-il, ce chemin est, par sa fréquentation une véritable autoroute. C’est là que s’achève la route, en réalité la piste, qui mène à Lamayuru et donc c’est par là que transitent tous les produits dont les villageois ont besoin. Nous faisons une halte au col, puis nous descendons à travers les pierriers vers le village de Yulchung. Là encore le « chemin » n’est emprunté que par les habitants. D’emblée le village nous apparaît comme une pauvre chose. L’armée qui construit la route y a établi ses quartiers avec baraquements en plastique blanc et matériaux de construction disséminés. La montagne aux motifs de crème fouettée  aux pointes multiples est belle, mais le village très encaissé semble s’abîmer dans le ravin qui nous en sépare. Enfin, c’est là que j’ai senti l’angoisse de la sécheresse. La rivière était réduite à un mince filet d’eau qui ne faisait guère envie. Le thé a eu un désagréable goût de terre.

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Col de Chochokori La 3970m – Nierak 3680m
Nous quittons Yulchung avec d’autant moins de regrets que nous pouvons emprunter la toute nouvelle piste creusée dans la montagne. Le soleil tape déjà dur, la poussière est omniprésente et la sécheresse reste ma principale préoccupation. Sécheresse, chaleur, poussière forme une espèce d’enfer dans lequel travaillent quotidiennement ceux qui construisent les routes. Qu’un hommage leur soit rendu. Nous finissons par quitter la piste pour monter au col et redescendre droit vers la vallée du Zanskar. Du col nous pouvons contempler le village de Nierak accroché à la montagne.

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Je guette les cours d’eau, plusieurs sont à sec depuis longtemps, d’autres, révélés par un ruban de verdure, semblent taris depuis une période plus récente. Il me faut tendre l’oreille pour entendre le clapotis d’une source. Arrivés au fond de la vallée nous trouvons la nacelle et le pont. Les assises sont renforcées mais dans sa structure il s’agit toujours d’un pont en bois dépourvus de rambarde. Il comporte pour toute protection un drapeau à prières. Dessous, la rivière du Zanskar coule avec impétuosité. Nous déjeunons sur le replat où a été construit le stupa et nous entamons la montée vers Nierak en pleine chaleur, mon thermomètre indique 40°C. Les premiers champs et le torrent me rassurent, dans ce village il y de l’eau. Le camp se situe sur les terres du monastère en haut du village. De là notre regard peut embrasser le village et  ses champs irrigués, nos tentes sont plantées face aux champs, c’est très reposant. L’eau est là à profusion. C’est le paradoxe de ce pays, soit l’eau est inexistante et c’est le désert, soit elle s’écoule en abondance et peut alimenter le système d’irrigation avant de se perdre. Tout le monde profite de l’aubaine pour faire lessive et toilette. Je remonte encore le cours du torrent et je trouve une petite cascade discrète. A moi la baignade bien fraîche !

Nyrak – Pangat La 4040m – Phargunsa
Nous nous levons tôt car la journée promet d’être longue, et Dorjey préfère que nous évitions les fortes chaleurs. En fait le temps est relativement couvert, et donc plutôt agréable. A mesure que nous nous élevons au-dessus du village de Nierak, je cerne mieux sa géographie : une vallée principale plantée d’arbres et bordée par des champs, et de chaque côté, sur les petits plateaux voisins, d’autres champs ainsi qu’une seconde vallée à droite par laquelle nous sommes arrivés. Plus haut, on aperçoit aussi le village de Yulchung en face, et dans l’embrasure de la montagne à gauche le village de Skyumpata où nous avons pris le thé. A l’arrière plan l’immense massif dont on perçoit alors les plissements, et les attaques de l’érosion. J’ai le sentiment de comprendre comment la montagne s’est formée, c’est formidable. A l’arrière plan encore le col majestueux de Sengge La et la route qui y mène. Je ressens la même sensation de puissance que l’an dernier autour du Kang Yatsé. Moi, petite fourmi, je marche assez haut pour avoir une vision d’ensemble des paysages que nous avons traversés. C’est mieux que la vue d’avion qui écrase les reliefs, c’est être à la fois au-dessus et sur les reliefs. Marcher dans la montagne offre parfois au promeneur un sentiment de modeste puissance.
En chemin nous croisons encore des bergeries abandonnées, des lacs asséchés, des canaux d’irrigation en déshérence. Les petites pierres à mani attestent d’une activité humaine récente, elles servent maintenant de repère au marcheur. Les roches sont belles, je me décide à prendre quelques photos lorsque j’aperçois, attenantes  à un pierrier, des roches dressées. Vous avez dit menhirs ? A mesure que nous prenons de l’altitude, le sacré semblent revêtir des formes de plus en plus simples.

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Nous finissons par atteindre un premier col, mais la montagne est parfois espiègle, ce n’est pas le bon. Le second non plus, il faut attendre le troisième. Le stupa n’était pas beau, la vue non  plus ; une barrière rocheuse dépourvue de relief. Il ne reste plus qu’à redescendre. Nous descendons vite, nous franchissons un nouveau col, puis sans savoir exactement comment, nous nous retrouvons dans le lit d’une rivière fantastique dont les berges sablonneuses se sont érodées sous la forme de cheminées de fées. C’est là, un peu plus en aval, que les cavaliers ont installé le camp.

Phargunsa – Shing Lato
Nous étions dans le lit du torrent entourés de cheminées de fées, et nous y restons. Nous remontons son cours selon des modalités alors éprouvées. Dorjey et Lobsang nous rejoignent, on parle toujours de l’ours sans le voir, Lobsang raconte comment il a fait le parcours l’hiver dans la neige, et nous pouvons observer ici et là des traces de foyers. Les cheminées de fées sont toujours aussi belles, on rêve… Puis subitement, le torrent se faufile dans un étroit défilé comme s’il avait creusé la roche à une époque où son régime était plus puissant. Les parois sont étroites, ça résonne, les couleurs vertes, mauves et oranges ajoutent au caractère fantastique du lieu. Le rêve se poursuit.
Puis nous montons encore sur des chemins escarpés, étayés parfois par des pierres plates jusqu’à avoir des vues vertigineuses sur le torrent. Nous redescendons de l’autre côté pour pique niquer à l’ombre des saules. La fatigue s’exprime, Dorjey renonce  à faire l’étape jusqu’à Honia dans la journée. Nous longeons la rivière et nous apercevons le camp monté sur un promontoire, en surplomb de la rivière, au milieu des cheminées de fées. J’y crois à peine, la couverture nuageuse empêche le soleil de donner du relief à cette architecture naturelle, mais c’est aussi inattendu que beau.

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C’est notre dernier soir en camp, et traditionnellement  on fait la fête. Lobsang prépare un repas pour tout le monde tandis que plusieurs petites mains vont chercher du bois pour faire du feu. Nous dînons ensemble autour du feu, et à la nuit tombée, nous chantons des chansons françaises et ladakhies. Le chef cavalier frappe la mesure sur le bidon d’essence tandis que Lobsang, Dorjey, Pali et Dawa chantent  de leur très belle voix. Ce fut une soirée très émouvante.

Shing Lato – Namtse La 4430m – Honia
Au réveil nous savons que cette fois c’est la dernière. Dernière journée en pleine nature loin de la civilisation, dernier col, dernière marche. Dorjey reste derrière pour ranger le matériel, nous entreprenons de remonter le torrent. Le cheminement est désormais classique, en haut, en bas, en bas, en haut, etc. Alors que nous marchions sur la partie haute, la vallée est apparue comme un beau ruban vert entouré par les cheminées de fées. Tout le monde se retrouve au col, Julien et Valérie posent leurs derniers drapeaux à prières. De l’autre côté c’est un autre monde : une descente vertigineuse  au creux de parois rocheuses rouges, parfois orangées égayées par le vert de la végétation. Il faut encore prendre garde à soi, la dernière descente est à la hauteur de tout notre périple, beauté et difficultés.

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A Padum nous visitons le monastère de Karcha. Dorjey joue avec les petits moines à leur jeu d’adresse. Ce sont eux les meilleurs !

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